L’inégalité des femmes dans la société québécoise (1) (autrice Yolande Potvin Publié par Pierre Potvin)

Autrefois, on faisait fortement comprendre à la femme que son rôle dans la société était d’être à la fois le berceau de la race de même que la gardienne de la langue et de la foi. Elle devait « consacrer » sa vie à la reproduction humaine, à bien éduquer ses enfants, à bien nourrir toute sa famille, à « bien tenir » la maison, et à prendre soin de toutes les personnes qui composaient son environnement humain.

Sa place n’était pas sur le marché du travail. D’ailleurs, elle était pénalisée si elle le faisait. On la payait moins cher qu’un homme qui aurait fait le même travail à sa place. De plus, si elle n’était pas veuve ou dans un état de pauvreté, on la culpabilisait. Elle n’était qu’une matérialiste et les pires conséquences étaient à craindre.

Il est important de clarifier le grand objectif poursuivi par les féministes. L’objectif ultime est l’égalité des droits entre hommes et femmes. Autrefois, on ne voulait pas que la femme pense sa vie en termes de carrière et que la mère aille sur le marché du travail. Maintenant, les femmes ont pris ces droits. Mais si devant le choix d’aller travailler à l’extérieur ou de rester à la maison pour prendre soin des enfants, une mère décide de rester à la maison —sans que ce choix la pénalise financièrement — il y a quand même là une égalité des droits (le choix pourrait être fait aussi par l’homme). Mais quand on pense aux mères qui sont sur le marché du travail, je ne crois pas que l’égalité des droits soit vraiment atteinte.

La société est injuste à l’égard des mères qui ont de jeunes enfants. Quand celles-ci sont arrivées en grand nombre sur le marché du travail, la société n’a pas mis sur pied des structures de remplacement. Il y avait alors les enfants à clé, laissés sans surveillance à la maison (et c’est encore ainsi). Il y a encore un manque inacceptable de garderies.

La société ne traite pas bien les femmes au Québec. La preuve? Au Québec, chaque mois, une femme est tuée par son conjoint! (2). Imaginez l’inverse! Imaginez en gros titre dans la presse « Chaque mois, un homme est tué par sa conjointe au Québec ». Quelle serait, pensez- vous, la réaction des hommes? Et imaginez maintenant le titre suivant « Un politicien par mois est tué au Québec ». Ouh la!

Une autre preuve? Observez bien les politiciens. Jamais ils n’auront l’argent nécessaire pour instaurer un nombre satisfaisant de garderies ou de milieux nécessaires pour bien prendre soin des enfants. Ils manqueront aussi toujours d’argent dans le cas de la violence conjugale tueuse de femme. Fausseté que ce manque d’argent. Le manque d’argent est un prétexte.

C’est qu’ils mettent l’argent ailleurs. Ils mettent l’argent dans des choses moins importantes.

Tout passe avant les petits enfants et les femmes en état de danger dans leur relation conjugale. Il у a aussi beaucoup d’hommes, même très instruits (et même des thérapeutes), qui considèrent que la femme normale a besoin d’avoir des enfants. Il est donc naturel et normal (selon eux) qu’elle assume tout ce que cela demande. Peu importe que le conjoint de cette femme désire, autant qu’elle, avoir des enfants. Qu’elle assume tout sans oublier surtout de bien tenir sa maison ».

Autrefois, au moment où il devenait trop difficile de confiner les femmes à leur maison, l’élite masculine dirigeante brandissait comme conditions que ses enfants soient bien assumés et que la maison soit « bien tenue »! Il y avait un chantage qui disait à peu près ceci: si vous voulez aller travailler, assumez toute la charge du travail domestique et soyez, bien sûr, entièrement responsables de vos enfants! Le chantage est devenu caché dans la nuit des temps, mais il existe toujours dans l’inconscient collectif. La jeune mère qui voudrait contester le manque de responsabilité de la société pourrait bien avoir peur de passer pour une « incompétente! » Selon, je pense, un trop grand nombre d’hommes (y compris des thérapeutes et des hommes instruits) une mère qui se plaint est une mère ratée. Car, il existe aussi dans l’inconscient collectif, l’idée que les mères n’en font jamais trop pour leurs enfants et que, même si ça fait mal, elles sont heureuses à vivre cela. Ces hommes ne savent pas ce que c’est qu’être mère, ils n’y comprennent rien, ils sont tout à fait incompétents à juger la chose, mais, cela, ils ne le savent pas.

Dans l’histoire des femmes, ici au Québec, on leur a donné à la fois le rôle de sauveur et celui de bouc émissaire. Elles doivent toujours sauver la situation et elles sont toujours coupables de quelque chose.

Moi, je pense qu’avant d’avoir des enfants, les femmes se protégeraient en discutant avec leur conjoint de l’égalité des responsabilités envers les enfants ainsi que d’une égalité dans le partage des tâches. Quand un homme et une femme veulent avoir des enfants, je dis que c’est comme vouloir être associé dans un projet commun. Il n’est pas justifiable que l’un ou l’autre soit pénalisé ou injustement traité. Si l’un décide de rester à la maison, il ne devrait pas être pénalisé financièrement suite à sa décision.

L’autre solution, ce serait de refuser de donner des enfants à une société qui ne les mérite pas. Solution qui peut être appliquée individuellement ou collectivement. Imaginez la scène suivante. Un nombre massif de femmes annoncent qu’elles font « la grève du ventre ». Elles disent aux politiciens: Vous voulez que les femmes aient des enfants? Alors, mettez sur pied, plein de garderies sécuritaires liées au milieu de travail ainsi que des organisations dans les milieux scolaires responsables des enfants après l’école. Créez une politique familiale pour aider les parents à bien prendre soin de leurs enfants.

En terminant, qu’on arrête de mettre la faute sur les femmes, ou sur leurs mères, ou sur les féministes. La faute revient aux dirigeants qui ne font pas ce qu’il faut. La faute revient aussi à des hommes qui manquent de justice et d’amour à l’égard des femmes.
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(1) Autrice: Yolande Potvin (samedi 29 janvier 2005). Ce texte a été envoyé à La Presse en réaction au dossier titré  »Femmes au bord de la crise de nerfs ». Dossier publié dans La Presse le samedi 29 janvier 2005. Le titre est de Pierre Potvin (02-09-2025)

(2) Le Rapport de la Coalition féministe contre la violence envers les femmes (CFVF) — Juin 2025 indique qu’en 2024, 24 femmes ont été tuées au Québec

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